Du miracle en économie : quelle leçon pour l’Afrique ?

Article : Du miracle en économie : quelle leçon pour l’Afrique ?
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29 juin 2020

Du miracle en économie : quelle leçon pour l’Afrique ?

Vous est-il déjà arrivé de vous demander c’est qu’est le « miracle économique » ? Pourquoi certains pays progressent alors que, concomitamment, d’autres régressent ou végètent ? Pourquoi certains pays connaissent des performances socio-économiques étonnantes, pendant que d’autres, en dépit de toutes leurs potentialités, se paupérisent davantage ?

Suivant Saint-Thomas d’Aquin, le miracle (économique, dans le cas qui nous intéresse) reste « un fait qui provoque un complet étonnement parce que sa cause est cachée« .

La raison de sa réalisation dépend de plusieurs paramètres, internes et externes, dont certains sont très peu contrôlables par nos experts.

Toutefois, la bonne nouvelle, vous le savez peut-être, c’est que l’une des différences symptomatiques entre les pays qui progressent et ceux qui régressent se trouve dans une notion toute simple : le pragmatisme.

Ainsi, pour entrer dans le vif du sujet, devrons-nous retenir que le pragmatisme s’oppose fondamentalement aux tendances idéologiques et partisanes. Il nous force à faire preuve d’ouverture d’esprit et à ne prendre en compte que ce qui marche vraiment.

Nombre de pays développés ou en voie de développement ont compris, dans diverses sphères de la vie de leur nation, qu’ils n’avaient pas nécessairement à réinventer la roue ou à créer chose inexistante. Cela est d’autant plus important pour les pays africains qui n’ont quasiment pas connu de révolution industrielle et technologique mais qui, par la force des choses, peuvent s’inspirer de ce qui a déjà marché dans les pays émergents voire développés, histoire de l’adopter et l’adapter à leurs spécificités historiques, socio-culturelles, politiques et économiques. C’est là où viendrait le saut industriel et technologique tant souhaité dans ces pays.

Les fameuses étapes de la croissance économique

Nul besoin de passer par toutes les étapes de l’industrialisation telles que préconisées par le très célèbre économiste américain Rostow dans son livre (Les étapes de la croissance économique, 1961) à savoir :

  1. La société traditionnelle : société figée (avec peu de changement) et essentiellement dominée par une économie agricole.
  2. Les conditions préalables au décollage : matérialisées par la révolution agricole, la croissance de la productivité entrainant une croissance économique qui supplante celle démographique.
  3. Le décollage (Take-off) : autrement, le passage d’une économie agricole à celle industrielle.
  4. La phase de la maturité : où le Produit intérieur brut est constitué d’une part importante d’investissement (entre 10 et 20%).
  5. L’âge de la consommation de masse (Age of high mass consumption) :  caractérisé la hausse du pouvoir d’achat. L’augmentation importante de la production des biens et services.

Cette approche du développement reste beaucoup trop linéaire et anachronique. En effet, cet ouvrage fut écris sous un contexte historique différent de ce que nous vivons maintenant. De nos jours, les fenêtres de possibilités de développement dont disposent les pays sont énormes. Encore faut-il qu’ils sachent comment s’y prendre.

Du capitalisme de marché à la chinoise

Peu importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape la souris.

Deng Xiaoping, ancien président chinois

L’illustration la plus symbolique nous est fournie par la Chine. Cette puissance économique incontestée a, rappelons-le, démarré son éclosion économique à partir de 1979. La raison ? Il faut plutôt le chercher dans le pragmatisme chinois. De fait, le président chinois d’alors, Deng Xiaoping, lors de sa visite à Singapour fin-1978 constata, non sans étonnement, le changement radical de cette Cité-Etat en un pôle industriel beaucoup trop attractif et en profonde mutation.

Singapour, ce pays qui, auparavant, était caractérisé par une économie de comptoir et, pire, était même obligé d’importer de l’eau, avait fini par adopter et adapter une politique d’industrialisation à outrance sous-tendue par l’attraction des firmes transnationales au moyen des Zones économiques Spéciales (ZES). Les résultats ne se sont pas fait attendre : le pays, en moins d’une génération (1965-1990), a connu une prospérité économique insolente et, plus important encore, se place, de nos jours, en tête de peloton dans de grands classements internationaux et ce, dans les domaines aussi divers que l’éducation, l’économie, le service, les nouvelles technologies, etc.

Une image de Singapour/ Pixabay: creative commons

Convaincu de l’efficacité des différentes politiques appliquées au Singapour, le président chinois, dès son retour en Chine, fit appel aux experts singapouriens pour mettre sur pied ces ZES dans différentes zones stratégiques. Chose qui fit basculer le pays vers cette alchimie chinoise terriblement efficace appelée « Socialisme de marché ». Mieux, c’est à partir de ce moment que le Dragon économique chinois se déchaina. D’ailleurs pour Deng Xiaoping (1904-1997), « peu importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape la souris. » Quelle belle leçon de pragmatisme !!!

Bien d’autres pays emboiteront le pas à la Chine en s’inspirant du modèle singapourien. Il s’agit de la Malaisie, l’Inde, et bien sûr, notre chère France (Dans le domaine éducatif avec la fameuse Méthode de Singapour). On ne passe pas à côté de la formule qui gagne, souvenons-nous en.

Du pragmatisme : et si le Rwanda avait raison ?

Une fontaine à Kigali, au Rwanda / Pixabay: creative commons

Le Rwanda, sous l’impulsion volontariste de son homme fort Paul Kagamé, semble avoir bien compris la leçon et joue la carte du pragmatisme à fond.

La preuve ? Le Rwanda Developement Board, l’organisme rwandais d’attraction des capitaux étrangers, est quelque peu inspiré de l’organisme Singapourien : Economic Development Board.

En outre, le père fondateur du Singapour moderne, Lee Kuan Yew (au pouvoir de 1959 à 1990 à la suite de sa démission) avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille.

La Chine, la Malaisie (sous Mahatir Muhammed, alors premier ministre) et le Rwanda (sous Paul Kagamé) n’ont pas fait le contraire. En outre, ces pays ont fait de la bonne gouvernance la pierre angulaire de leur volonté de leurs progrès socio-économiques.

Deng Xiaoping a répété que la Chine devait apprendre de Singapour. Nous l’avons fait, nous le faisons aujourd’hui et nous le ferons demain.

Xi Jinping, actuel président de la République populaire de Chine.

Pour finir, notons qu’afin d’éclairer la lanterne des uns et des autres devant l’ascension fulgurante de son pays, Xi Jinping, l’actuel homme fort de l’empire du Milieu (Chine) soutient ceci : « Deng Xiaoping a répété que la Chine devait apprendre de Singapour. Nous l’avons fait, nous le faisons aujourd’hui et nous le ferons demain. » On ne peut être plus clair.

Reconnaissons qu’il est possible d’être tenté de croire que ces prétendus « miracles » ne sont en réalité que des mirages, des chimères, de la poudre aux yeux pour jouer avec l’esprit des « pauvres citoyens ». En réalité, il n’en est rien. S’il est en effet vrai qu’il reste bien de choses à opérer dans ces pays, il n’en demeure pas moins qu’ils sont engagés dans une dynamique d’amélioration de la vie de leurs populations. Les données et statistiques des institutions internationales en font foi.

Néanmoins, une question mérite notre attention : ces Etats vont-ils continuer dans cet élan positif? Sait prévoir l’avenir celui répondra, pour l’heure, cette interrogation par l’affirmative.

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